Pourquoi votre équipe ne dit jamais ce qu'elle pense ?

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    Pourquoi vos équipes ne disent rien en atelier d'amélioration (et comment débloquer la parole)

    Vous êtes manager, responsable de service et vous organisez un atelier d'amélioration. Le café est chaud, les post-it colorés sur le tableau blanc. Vous lancez un "Qu'est-ce qui vous empêche d'être efficace au quotidien ?" et là… le silence. Ou alors des banalités. "On manque de moyens", "L'autre service ne suit pas", "Si seulement on avait plus de budget."

    Mais vous le sentez, vous savez qu'il y a quelque chose d'autre. Ce processus absurde imposé par la direction, ce collègue qui bloque tout, ce goulot d'étranglement que tout le monde voit mais que personne n'ose nommer.

    Pourquoi vos équipes ne disent-elles rien ? Parce qu'elles ont peur. Peur que votre atelier bienveillant se transforme en tribunal. Peur d'être le fusible. Peur que leur franchise leur retombe dessus.

    Résultat : vos outils Lean, Kanban, cartographie des flux deviennent du théâtre. Des initiatives qui finissent archivées dans un tiroir.

    Aujourd'hui, je vais vous montrer ce qui se passe vraiment dans la tête de vos collaborateurs et surtout je vais vous donner un script simple pour créer dès lundi un climat où les vrais problèmes remontent sans filtre.

    Pourquoi vos collaborateurs se taisent

    Ce n'est pas de la mauvaise volonté, c'est une réaction de survie. C'est câblé dans leur cerveau.

    Quand vous introduisez les mots "problème" ou "changement" dans un environnement où la confiance manque, le cerveau interprète ça comme une menace. L'amygdale s'active, le cortisol monte et le cortex préfrontal — la zone qui permet de réfléchir, d'analyser, de collaborer — se coupe.

    Vous connaissez la réponse : combat, fuite ou paralysie ? Voilà ce qui se passe.

    La paralysie : silence radio en réunion. Impossible de formuler une critique.

    La fuite : on évite le sujet, on se concentre sur l'urgent pour ne pas réfléchir.

    Le combat : on devient défensif, on blâme les autres services.

    Dans cet état, votre équipe ne peut pas penser clairement. Elle voit des menaces partout. L'apprentissage s'arrête net.

    Le plus grand gaspillage

    Le plus grand gaspillage dans vos organisations, ce n'est pas le stock inutile ou les déplacements superflus. C'est le potentiel humain bloqué par la peur.

    Et le malentendu fondamental, c'est que trop de managers croient encore qu'il suffit de dire "N'ayez pas peur" pour que les gens n'aient plus peur. C'est faux. On ne peut pas commander la confiance. On doit créer les conditions qui la rendent possible.

    Le Lean et le Kaizen ne servent pas à trouver qui est coupable. Ils servent à identifier ce qui est défaillant. Le problème vient presque toujours du système, du processus, du manque de clarté, mais jamais de la personnalité des gens.

    Et c'est ça le vrai pouvoir du Lean : transformer un environnement de défense en environnement d'apprentissage.

    Deux managers, deux approches

    Imaginez une équipe de production dans une usine. Les pannes machines explosent. Deux managers réagissent différemment.

    Manager A lance une enquête : "Qui a cassé la machine ? On va sanctionner le responsable pour que ça ne se reproduise plus."

    Résultat : les opérateurs vont minimiser les incidents, cacher les erreurs, inventer des excuses. La remontée d'information s'effondre.

    Manager B réunit l'équipe et dit : "On a un pic de pannes. Notre objectif n'est pas de trouver un coupable, c'est de comprendre comment notre processus a laissé passer cette erreur."

    Il utilise les cinq pourquoi pour trouver la cause racine :

    • Pourquoi la machine est cassée ? Une pièce a été forcée.

    • Pourquoi a-t-elle été forcée ? Parce que l'opérateur n'avait pas le bon outil.

    • Pourquoi n'avait-il pas le bon outil ? Parce que la commande de fourniture prend trop de temps.

    • Pourquoi elle prend trop de temps ? Parce qu'il faut trois signatures et un formulaire compliqué.

    • Pourquoi il faut trois signatures ? Parce que la direction ne fait pas confiance à l'autonomie des opérateurs.

    Vous voyez la différence ? Le manager A cherche une personne, le manager B cherche une cause. Le premier tue l'apprentissage, le second crée un espace où l'erreur devient une opportunité d'amélioration.

    Quand vous punissez l'échec, vous détruisez l'intelligence collective. Quand vous créez un espace sûr où l'on peut admettre ses erreurs, vous libérez le potentiel de votre organisation.

    Un outil concret : la question hypothétique du système

    Concrètement, que faut-il faire ? Le défi, c'est de passer du "Qui a fait l'erreur ?" au "Comment le processus a permis cette erreur ?"

    Voici un outil concret à tester dès lundi matin en 15 minutes. Je l'appelle la question hypothétique du système.

    Commencez votre prochaine réunion d'amélioration non pas par "Quels sont les problèmes ?", mais par cette question qui retire la peur du jugement :

    "On va faire un petit jeu. Imaginons qu'une équipe de consultants arrogants, sans aucune expertise technique, vienne auditer notre service. Ils sont imbattables pour repérer les absurdités administratives. Quelles sont les trois routines qu'ils élimineraient immédiatement parce qu'elles ne servent strictement à rien et nous font perdre un temps fou ?"

    Vous pouvez le dynamiser en attribuant des rôles également.

    Pourquoi ça marche

    Distanciation : Vous ne demandez pas à l'équipe de critiquer votre leadership. Ils critiquent des routines stupides, ce qui est psychologiquement plus sûr.

    Focus système : L'accent est mis sur les processus, pas sur les personnes.

    Désamorçage du cynisme : Vous reconnaissez que les absurdités existent. Ça crée de la confiance.

    La deuxième question

    Une fois que vous avez listé trois à cinq de ces routines toxiques — excès de reporting, réunion inutile, double saisie — posez cette deuxième question :

    "OK, je sais qu'on ne peut pas éliminer cette procédure immédiatement. Mais si la direction nous donnait carte blanche pour la simplifier demain, sans limite de budget ni de temps, comment la rendrions-nous plus fluide et plus humaine ?"

    En forçant votre équipe à imaginer la solution idéale au lieu de ruminer sur le problème, vous activez la zone de la créativité de leur cerveau. Vous les transformez de victime passive en architecte du changement.

    Le secret de la performance durable

    Le progrès durable naît de la qualité des relations et de la sécurité psychologique. Quand vous faites de l'amélioration continue un espace où il est permis d'expérimenter et aussi d'échouer vite pour apprendre plus vite, vous libérez la véritable intelligence de votre organisation.

    Vous obtenez des résultats durables parce que les gens sont respectés et pleinement engagés.

    Essayez cette question dès lundi et observez la différence.