Comment j'ai échoué mon premier projet 5S (Lean) - Feedback après 10 ans d'expérience

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    Pourquoi vos 5S échouent (et ce que j'aurais dû faire différemment)

    Bonjour à tous et bienvenue pour une session d'amélioration pour booster votre leadership et transformer vos équipes et vos organisations. Vous savez quoi ? Pendant des années, j'ai appliqué la méthode des 5S exactement comme on me l'avait appris. Formation express de 30 minutes, une demi-journée d'application sur le terrain et hop, on passe au projet suivant.

    Résultat ? Trois semaines plus tard, tout revenait comme avant. Le bazar réapparaissait, les opérateurs reprenaient leurs anciennes habitudes et moi, je me demandais pourquoi ça ne tenait jamais.

    Aujourd'hui, je vais vous raconter comment j'ai compris, après des échecs et surtout après 10 ans d'expérience, que le problème ce n'était pas la méthode des 5S. C'était moi.

    Je vais vous montrer ce que j'aurais dû dire à ma direction, ce que j'aurais dû faire avec les opérateurs et pourquoi la durabilité des 5S ne dépend pas d'une méthode, mais de la confiance.

    Dans cette vidéo, vous allez découvrir pourquoi vos 5S échouent, comment clientéliser vos opérateurs avant même de parler de rangement, et quelles erreurs fatales j'ai faites en lançant plusieurs zones en même temps.

    L'erreur d'exécution aveugle

    Quand la direction m'a demandé la première fois de déployer les 5S dans l'atelier, j'ai dit oui immédiatement. Pourquoi ? Parce que c'était un ordre et que je pensais, en tant qu'expert Lean, que mon rôle était d'exécuter et de bien exécuter.

    Mais voilà le problème. Je n'ai jamais remis en question la méthode d'application. On m'a dit : fais une formation rapide, applique sur tout l'atelier et avance. Alors c'est ce que j'ai fait.

    Formation de 30 minutes pour expliquer les cinq étapes : Seiri, Seiton, Seiso, Seiketsu, Shitsuke. Puis une demi-journée d'application où on triait, on rangeait, on nettoyait. Les zones étaient impeccables pendant deux semaines.

    Mais ensuite, l'homéostasie a repris son cours. Les opérateurs sont revenus à leurs anciennes habitudes. Les outils ont recommencé à traîner, le rangement a disparu et moi, je me suis retrouvé frustré à accuser les équipes de résistance au changement.

    Ce que je n'avais pas compris

    Ce que je n'ai pas compris, c'est que les 5S ne résolvent rien si les opérateurs ne sont pas demandeurs. J'ai imposé une méthode sans jamais leur demander quel était leur problème quotidien. J'ai appliqué un outil comme si c'était une solution miracle.

    Alors que le vrai but des 5S, c'est justement de résoudre les frustrations des opérateurs, c'est de libérer leur potentiel.

    Vous voyez, les 5S, ce n'est pas juste du rangement, c'est une réponse à des problèmes concrets : chercher un outil pendant 10 minutes, perdre du temps à cause du désordre, travailler dans des environnements stressants.

    Mais si vous ne prenez pas le temps de comprendre ces problèmes avec eux, alors les 5S deviennent juste une nouvelle contrainte imposée d'en haut.

    La deuxième erreur : vouloir aller trop vite

    J'ai voulu aller trop vite. J'ai lancé plusieurs zones en même temps, pensant que ça prouverait l'efficacité de la méthode. Mais en faisant ça, j'ai dilué l'attention. J'ai perdu la possibilité de créer une zone vitrine qui aurait vendu la méthode aux autres équipes.

    Aujourd'hui, si la direction me demandait de déployer les 5S comme avant, je dirais non. Pas par arrogance, mais parce que je suis l'expert. Mon rôle, ce n'est pas d'exécuter aveuglément, c'est de guider vers ce qui marche vraiment.

    Parce que parfois la direction va vous demander d'exécuter la méthode pour l'appât du gain, parce qu'elle génère des résultats conséquents, que ce soit sur le plan financier ou sur le plan de l'image de l'entreprise.

    Ce que je dirais aujourd'hui

    Si on me le redemandait, voilà ce que je dirais : "Votre demande part d'une bonne intention, mais si on applique les 5S de cette façon, ça va échouer. Et voici pourquoi."

    Et je leur expliquerais que les 5S ne tiennent que si les opérateurs sont engagés. Et pour qu'ils s'engagent, il faut qu'ils voient un bénéfice personnel avant même qu'on parle de performance collective.

    Ça s'appelle le "What's in it for me ?" — qu'est-ce que j'y gagne ? Qu'est-ce que les employés vont y gagner ? C'est de la vente et c'est la clé de tout changement durable.

    Ça ne sert à rien de déployer une méthode avec le coût opérationnel, donc financier, que ça implique en sachant pertinemment que ça ne va pas tenir dans le temps.

    La bonne approche : une zone pilote

    Ensuite, je leur dirais : "On ne va pas déployer sur 10 zones en même temps. On va commencer par une seule zone pilote, une petite zone, la plus facile et la plus impactante visuellement."

    On va prendre le temps de coconstruire avec les opérateurs, de résoudre leurs problèmes et de créer une vitrine qui donnera envie aux autres équipes de demander les 5S. Et au passage, fédérer les employés de la première zone pour en faire des ambassadeurs.

    Et surtout, je leur dirais que construire la confiance, ça prend du temps. Si on veut des résultats durables, il faut accepter d'investir un peu chaque jour pour comprendre les problèmes, discuter avec les équipes et créer un environnement où le changement devient désirable plutôt qu'imposé.

    Le vrai problème dans les ateliers

    Le vrai problème dans les ateliers, ce n'est pas le manque de méthode. Non, c'est qu'on ne parle que de cadence à l'instant T sans jamais se projeter sur comment ce serait demain si on prenait le temps d'optimiser aujourd'hui.

    Donc si je devais recommencer, voici ce que je ferais avant même de prononcer le mot "5S" : je passerais une semaine à écouter les opérateurs. Je leur demanderais : quels sont les problèmes que vous vivez au quotidien ? Qu'est-ce qui vous fait perdre du temps ? Qu'est-ce qui vous frustre ?

    Mon travail, c'est de les aider. Parce que les 5S, ce n'est pas une fin en soi, c'est un moyen de résoudre des problèmes qu'ils vivent déjà. Et si je ne pars pas de leur frustration, alors je vends un produit dont personne ne veut.

    L'effet vitrine

    Ensuite, je créerais une zone pilote unique. Pas 10 zones en même temps, juste une seule avec une petite équipe volontaire, motivée, qui voit l'intérêt de tester. Et on prendrait le temps de coconstruire ensemble. On range ensemble, on teste ensemble et on ajuste ensemble.

    Et vous savez ce qui se passe quand vous réussissez une zone pilote ? Les autres équipes commencent à regarder. Ils voient leurs collègues travailler mieux, plus vite, avec moins de stress, dans de meilleures conditions. Et là, ils deviennent demandeurs, ils deviennent clients.

    Et c'est ça la vraie durabilité des 5S. Ce n'est pas quand vous imposez partout en même temps, c'est quand ça vient d'eux.

    Le rôle crucial de la sécurité psychologique

    Mais tout ça repose sur un élément invisible : la sécurité psychologique. Si les opérateurs ont peur de dire que ça ne marche pas, s'ils ont peur d'être jugés, s'ils sentent que c'est encore une lubie de la direction, alors ça ne tiendra jamais.

    La confiance, ça se construit en montrant qu'on écoute vraiment, qu'on adapte vraiment et qu'on respecte leur expertise terrain. Parce qu'au final, ce sont eux les experts de leur poste, pas nous.

    Ce que j'ai appris

    Voilà ce que j'ai appris après 10 ans d'expérience sur la méthode des 5S. Le problème, ce n'est pas la méthode, c'était ma façon de l'appliquer.

    Les 5S, c'est une bonne méthode, mais ce n'est qu'une méthode. Si vous l'imposez sans clientéliser les opérateurs, sans comprendre leurs problèmes, sans créer de la confiance, alors ça ne tiendra pas. L'homéostasie reprendra toujours le dessus.

    Trois actions concrètes

    Alors, qu'est-ce que vous pouvez faire différemment ?

    Premièrement, avant de parler 5S, passez du temps à écouter. Identifiez les vrais problèmes des opérateurs.

    Deuxièmement, commencez par une seule zone pilote. Créez une vitrine qui vend aux autres.

    Troisièmement, construisez la confiance en coconstruisant, pas en imposant. Montrez que vous respectez leur expertise.

    Et si vous êtes consultant ou manager, n'ayez pas peur de dire non à une mauvaise méthode d'application. Votre rôle, c'est de guider vers ce qui marche vraiment, pas d'exécuter aveuglément.

    Les 5S durables, ça ne vient pas d'une formation de 30 minutes. Ça vient d'un changement en douceur construit sur la confiance, la compréhension mutuelle et le respect des équipes.

    Souvenez-vous : le changement durable, ça vient toujours d'eux, jamais de nous.